Simon Gautherin, en pleine préparation d'un café V60
Simon Gautherin, en pleine préparation d’un café V60

Les conseils de Simon Gautherin pour préparer votre meilleur café filtre

Simon Gautherin est responsable de la formation des baristas chez Toby’s Estate, le torréfacteur le plus important d’Australie, depuis 2019. Compétiteur à la Brewers Cup France de 2020, malheureusement annulée à cause de la crise sanitaire, Simon est retourné en Australie et en a profité pour entraîner le gagnant de l’édition locale de 2020. Une passion pour la compétition qui en faisait la personne idéale à qui demander quelques conseils pour réaliser votre meilleur café filtre, pas vrai ?

Salut Simon, avec ton expérience, comment abordes-tu la préparation d’un café que tu ne connais pas ?

Tout commence par ce que je veux en tasse. Quand tu prépares un café, tu peux simplement mettre en avant certaines facettes du café ou au contraire, en cacher d’autres. 

Il faut donc comprendre le café, savoir quelle est sa variété, son origine, le process mais aussi la façon dont il a été torréfié. À partir de là, je sais ce que je peux attendre, mais aussi ce que je souhaite mettre en avant et choisir une direction.

Si on prend l’exemple d’un café avec peu d’acidité, comme un café nature du Pérou, voilà deux directions que j’imagine pour un premier test : soit équilibrer la tasse en maximisant l’acidité, ou alors aller dans le sens du café et jouer sur les notes de chocolat, de caramel.

Ensuite, la première chose à faire est de définir la mouture ? 

La mouture est la variable qui a le plus gros impact dans le café. Si tu changes la mouture, tu dois changer toute l’équation. Personnellement, je préfère les moutures grossières. Avec un Comandante, il n’y a pas un café avec lequel je vais sous les 30 clicks, et je vais jusqu’à 36 clicks selon les cafés.

Moudre de façon grossière permet d’avoir plus de clarté dans la tasse, d’obtenir un meilleur équilibre et une texture plus juteuse. À l’inverse, une mouture trop fine fait ressortir l’amertume et le côté tannique du café. Mais encore une fois, il n’existe pas de recette miracle qui marche pour tous les cafés, c’est un mythe.

Comme celui du ratio parfait ?

Oui, je n’y crois pas non plus. Comme la mouture, le ratio a beaucoup d’impact sur le résultat en tasse. C’est pour cette raison que j’ai fait le choix de verrouiller cette variable, avec un ratio court qui peut varier entre 1:14 et 1:15. Un ratio court, une mouture grossière, c’est l’idéal pour extraire efficacement. 

Mon ratio de base est donc 1g de café pour 14 à 15g d’eau. Ma recette de base, c’est 16g de café, 240g d’eau et 3 versements de 80g

Pourquoi ce choix d’un ratio court ?

Dès que tu mouds “gros”, tu extrais aussi beaucoup moins. Il faut donc trouver un moyen d’extraire plus. Tu peux élever la température, mais tu prends le risque de faire ressortir l’amertume. Un ratio court permet simplement plus d’intensité en gardant les bons côtés du café. 

Pour extraire plus, tu peux aussi faire plus de versements et créer plus d’agitation. C’est la méthode de Tetsu Kasuya. Mais le souci, je trouve, c’est qu’on  se retrouve avec une tasse qui a beaucoup de corps et peu de profondeur.

C’est pour cela que tu privilégies 3 versements longs, sans bloom ? 

En fait, je suis partisan de blooms longs avec beaucoup d’eau, qui permettent une meilleure saturation du café. Le bloom classique, avec deux fois la quantité d’eau pendant 30 secondes n’a jamais vraiment été questionné, c’est dommage. Un bloom long, avec plus d’eau permet de développer l’acidité, le côté sucré d’un café. 

C’est une variable avec laquelle je joue, mais au fond, je n’utilise même plus le terme de “bloom”. Pour moi c’est un versement comme un autre. D’autant plus en compétition, où tu mouds ton café à l’avance, environ 40 minutes avant de le préparer. Ainsi, tu n’as plus besoin de faire dégazer ton café.

Pour la Brewers Cup australienne, j’ai coaché le gagnant Carlos, qui travaille aussi chez Toby’s Estate. Il a utilisé un ratio de 1:14 et a simplement fait 2 versements de 100g avec 1’30” d’attente entre les 2. C’est vraiment cette minute qui a tout changé, et même si toute l’eau s’est écoulée en moins de 30 secondes.

Pourquoi attendre autant de temps ? 

C’est un choix d’étendre la durée des versements pour une meilleure extraction. Tu peux essayer 3 à 4 versements, avec 45 secondes à 1 minute d’attente entre chaque et constater l’impact, par rapport à des versements classiques de 30 secondes.

En attendant plus, tu as une tasse plus intense. Sans être un grand scientifique comme Jonathan Gagné, j’ai l’impression qu’avec cette méthode l’eau qui reste dans le lit de café continue d’imprégner les grosses particules de café. Je trouve plus de profondeur, de structure et d’équilibre dans la tasse avec cette façon de faire.

Pour les versements, sinon, j’évite de verser sur les bords et j’essaye de verser de l’eau de façon circulaire et uniforme, en agitant pour aider l’extraction de la mouture grossière.

Tu ne te bases jamais sur la durée d’extraction pour vérifier que tu as choisi les bons paramètres de mouture et de ratio ?

Ma réponse est sûrement controversée mais je ne regarde jamais la durée totale d’une extraction. Avec un temps d’attente long entre les versements, il y a beaucoup de temps de repos, sans verser d’eau. Le temps total de mes cafés filtres n’est plus qu’indicatif, bien moins important que pour réaliser un espresso, où le temps d’extraction est directement lié à la taille de la mouture.

Un paramètre dont on n’a pas encore parlé, c’est la température de l’eau. 

Je joue beaucoup sur la température de l’eau pour extraire différents éléments du café. Mais, encore une fois, il n’y a pas de température idéale. Après plusieurs années, je trouve que c’est l’une des variables les plus imprévisibles et difficiles à cerner, car tout dépend du café et de la manière dont il a été torréfié. Généralement, plus c’est light, plus il faudra de l’eau chaude. 

Et le choix de l’eau, est-ce aussi une variable qui ne bouge plus chez toi ?

L’eau pour le café, c’est l’équivalent de l’assaisonnement pour un plat. On va utiliser différents minéraux pour faire ressortir différents attributs en tasse.

C’est une variable qui dépend des cafés, et je suis tenté de dire que chaque café a besoin de son eau. Mais pour que ça reste “simple” à la maison, si je peux donner un seul conseil, c’est de se tourner vers une eau faible en bicarbonate, car le bicarbonate a tendance à faire taire le café.

La Volvic est pas mal car il y a énormément de magnésium pour faire ressortir la floralité, mais il y a aussi trop de bicarbonate, ce qui casse l’acidité.

Malheureusement, je ne connais pas vraiment d’eau passe-partout. Si je devais faire du café à la maison, je choisirais de diluer de l’Aquacode dans une bonbonne d’eau distillée ou déminéralisée. Cela donne de très bons résultats !

Le choix du brewer a-t-il son importance pour une bonne extraction ?

La question du brewer c’est toujours : quel brewer avec quel filtre ? Mais c’est probablement le moins important dans l’équation finale tant que tu peux contrôler chaque autre paramètre.

Entre un V60 et un Origami, par exemple, je trouve que la différence n’est pas négligeable. L’Origami sort des cafés plus équilibrés et plus sucrés que ceux réalisés avec un V60, qui sont plus acides. Mais globalement, je vois quand même très peu d’exemples où le brewer transforme un café banal en un excellent café !

D’ailleurs, comment savoir que l’on a réussi une extraction ? 

J’analyse toujours une tasse de façon méthodique : d’abord les arômes, l’équilibre des goûts (sucré, acide, amer, salé, umami) et puis enfin la sensation en bouche (la texture, le corps, la longueur en bouche).

Il y a 2 ans, j’ai développé une grille d’évaluation qui permet d’analyser une tasse et capturer toutes les informations. C’est un outil développé lorsque j’avais besoin de former beaucoup de staff. Il fallait un outil super simple, basé sur le goût, l’odorat et le toucher. Cette grille permet de prendre des notes et d’avoir une représentation assez précise du café. 

Si tu as 2 grilles, que tu prépares deux V60 en changeant 1 seule variable, ça te permet de mieux comprendre quel était l’impact de chaque variable sur l’équilibre de goût, la partie tactile/corps et sur la partie arômes. Et ainsi de mieux savoir sur quelle variable jouer par la suite pour améliorer ta future préparation !