Bjørnar, responsable de la torréfaction chez Fuglen, à Oslo

Pour Bjørnar Hafslund (Fuglen), il n’y a pas de café de spécialité sans transparence

À Oslo, nous avons fait la rencontre de Bjørnar Hafslund, le responsable de la torréfaction Fuglen. Après une journée de trajet depuis Göteborg, celui-ci nous attendait pour partager un repas, avant de monter à l’étape du coffee-shop de la marque pour avoir son avis sur le café de spécialité et sa définition.

Ensemble, nous avons donc évoqué sa définition du café de spécialité et comment celle-ci doit évoluer aujourd’hui, à l’heure où les consommateurs sont de plus en plus conscients des enjeux sociaux et environnementaux qui touchent les producteurs de leurs produits préférés, à commencer par le café.

Pendant 10 jours, Le Filtre a suivi Nicolas Pourailly pour la 1ʳᵉ édition du Belco Euro Tour, à la rencontre de 10 torréfacteurs européens pour coconstruire le café de spécialité de demain. Interview éditée par Le Filtre.

Bonjour Bjørnar, comment définis-tu le café de spécialité ?

C’est une grande question ! La seule définition aujourd’hui, c’est le score. Mais, ça n’a pas vraiment d’importance qu’un café soit noté 86 ou non. Je parlerai plutôt de la durabilité et de relations.

Je ne dis pas qu’un café de spécialité doit toujours être l’aboutissement d’une relation profonde entre un torréfacteur et un producteur, mais il doit y avoir un lien.

Enfin, la transparence doit aussi faire partie de la définition. Je ne crois pas qu’on pourrait appeler “café de spécialité” quoi que ce soit qui ne soit pas transparent.

Penses-tu que la façon dont on le produit et on le vend est durable ?

D’un côté, oui. En ce moment, ça marche. Au niveau global, les producteurs produisent du café, les torréfacteurs achètent du café, et les consommateurs ont accès à de bons cafés. Mais, on sait aussi que les choses changent tout le temps.

Si on descend d’un niveau, et que l’on regarde pour un producteur… on sait que beaucoup de producteurs doivent se battre pour s’en sortir. Alors, selon le niveau auquel on s’intéresse à la question, ça dépend. Ce dont on est sûr, c’est que les choses changent.

Aujourd’hui, quels sont tes critères d’achat ?

Le plus important, ce sont les flaveurs et la qualité. Je dirais que l’on travaille aussi avec des cafés qui ont une certaine place au menu.

Comme torréfaction, je trouverai bizarre, par exemple, de ne pas avoir de cafés du Kenya. Ce n’est pas dur d’en trouver un bon, et c’est quelque chose que l’on veut continuer d’avoir. 

Dirais-tu que la qualité en tasse est le premier de tes critères ?

Oui, et ensuite, c’est la relation avec les producteurs, ou la continuité de certains cafés à la carte. À choisir entre 2 cafés, je préfère un café que l’on a déjà eu. Si je veux que chacun de mes cafés soit au minimum de 86, et qu’un café que j’achète régulièrement score 85 sur une année, je l’achèterai quand même. Dans une certaine limite, car si ce café tombe à 82, là, je ne l’achèterai pas.

Que penses-tu que les clients recherchent en achetant du café de spécialité ?

Je pense que la plupart veut juste une bonne tasse de café. Pour la majorité. Ils veulent une boisson qu’ils peuvent apprécier, et puis il y a toujours des personnes qui reviennent pour une origine ou un type de café bien particulier, pour notre style de torréfaction.

Mais, au fond, je crois que la grande majorité de nos clients veut juste une bonne tasse de café.

Parles-tu avec ceux-là des challenges environnementaux et sociaux à l’origine ?

Oui, on le fait. J’aimerais bien que ce sujet soit systématique, plus ouvert au public. En tout cas, c’est une chose dont on se soucie chez Fuglen, et dont on parle.

On sait que la monoculture affecte l’agriculture, dont celle du café. Sans vouloir dire que les producteurs de café sont toujours les plus pauvres, dans la plupart des cas, ils le sont.

Après, on devrait travailler sur un rapport de durabilité, une note d’information qui raconte ce que l’on fait. C’est des sujets sur la table, mais que l’on n’a pas encore vraiment démarrés.

Quel est le futur du café de spécialité, d’après toi ?

J’espère que sa définition va changer, pour y intégrer plus de choses comme la traçabilité. Je crois vraiment que la traçabilité est quelque chose d’important. On a de nouvelles technologies, des opportunités au niveau des gouvernements qui votent de nouvelles lois pour améliorer ces sujets. Je trouve cela très positif.

Dirais-tu que les consommateurs comprennent la distribution de la valeur, ce qui va au producteur, au torréfacteur et à l’importateur ?

Je pense que c’est très difficile pour la plupart des gens de comprendre cela : où va l’argent.

Mais c’est peut-être plus facile en le décomposant en partant du plus gros chiffre, celui auquel est vendu le café au consommateur.

Est-ce qu’un indicateur des pratiques agricoles du producteur et de son impact sur l’environnement serait intéressant, pour toi et tes clients ?

Si nous souhaitions sélectionner nos cafés à partir de cet indicateur d’impact environnemental, bien sûr qu’il serait intéressant de le communiquer aussi à nos clients. 

Mais, il y aurait un travail marketing à faire, pour pousser correctement cette information. Cela nous aiderait d’avoir une sorte de système, une façon commune de communiquer sur ces sujets.

Chaque compagnie communique différemment, mais avoir un package ou des outils communs pour le faire, je crois que cela pourrait vraiment aider l’industrie du café en général. 

Bjørnar, responsable de la torréfaction chez Fuglen, à Oslo
Bjørnar, responsable de la torréfaction chez Fuglen, à Oslo

Que penses-tu des labels ?

Je pense qu’il y a beaucoup de bonne volonté avec les certifications. Certaines d’entre elles sont pertinentes, d’autres moins… Plusieurs de nos cafés sont certifiés bios. On n’en vend pas énormément, mais certains clients les demandent.

D’un point de vue personnel, si on parle des pratiques d’une ferme, je trouve cela compliqué, car on a tous plusieurs histoires de fermiers qui ont des difficultés à maintenir leurs certifications, autant d’un point de vue économique que vis-à-vis des règles qu’imposent ces certifications, et qui sont peut-être trop rigides.

D’après toi, les consommateurs sont conscients de ces enjeux ?

Je sais que cela devient une tendance sérieuse, et bien sûr, une tendance globale qui consiste à mettre les producteurs plus en avant pour la qualité de leurs produits.

Mais, lorsque les gens boivent un café, même si c’est bon, qu’ils ont confiance dans la torréfaction et qu’ils sont sûrs de tenir un produit de qualité entre les mains, je ne suis pas certain qu’ils y pensent beaucoup.

On devrait communiquer davantage sur ce sujet ?

Pour te répondre clairement : oui, j’aimerais beaucoup.

Es-tu sûr qu’ils savent que le café est un produit agricole ?

Oui, je pense. Je pense que la plupart de nos clients ne pensent plus que le café est un grain marron qui pendouille sur les arbres.

Aujourd’hui, je pense que beaucoup de gens voient Fuglen comme une entreprise tournée vers la qualité.

Depuis le début. Avant même de commencer à torréfier, on achetait notre café aux meilleurs torréfacteurs d’Oslo. Je pense que les fondations “qualité” sont bien là et que cela se ressent chez nos clients.

Tu crois qu’ils boivent du café de spécialité parce qu’ils pensent que c’est mieux ?

Si tu poses cette question à des clients, une question directe comme celle-ci, je crois qu’ils répondraient oui, mais surtout parce que c’est bon.

Pas forcément parce qu’ils choisissent de boire du café de spécialité en connaissant l’impact social de cet achat à l’origine.

Après cette discussion, si on devait faire 1 seule chose, ce serait quoi ?

Je commencerai par ajouter plus d’informations sur notre site web. C’est un premier pas facile à réaliser, sans trop de contraintes, et cela pourrait apporter beaucoup à toutes les étapes de la chaîne.