Charlène Cabioch, Championne de France Coffee in Good Spirits 2021

Charlène Cabioch est la Championne de France 2021 Coffee In Good Spirits, qui récompense les plus talentueux des mixologues. C’est donc elle qui représentera la France, non sans émotion, aux prochains championnats du Monde.

Elle est revenue en détail sur le café qui a retenu son choix après ses voyages au Guatemala, et nous explique la recette du cocktail signature qui a fait chavirer le jury.

Quelle place a eu le choix du café dans ta préparation de la compétition ?

Je suis partie du café pour constituer les cocktails et pour ça, je suis allée le chercher au Guatemala. Lors d’un cupping, j’ai eu la chance de rencontrer le producteur de ce café, Félix Poron, qui m’a parlé de son travail.

Il commence depuis peu à produire du café de spécialité et se lancer dans des process expérimentaux, et c’est ce qui m’a poussé à choisir ce café, un Pache en process honey expérimental, avec des levures qui favorisent la fermentation pendant cinq jours, puis dépulpé et séché pendant 19 jours sur des lits africains. C’est une variété endémique du Guatemala, une mutation naturelle du Typica.

J’ai pu visiter sa ferme, pour voir ses parcelles et découvrir sa façon de travailler à base d’engrais naturel, qu’il fabrique lui-même avec le résidus des cerises, le tout en agro foresterie. 

C’était important d’avoir ton café pour ta seconde participation au CIGS ?

C’était une obligation, j’étais partie au Guatemala pour ça, et commencer à faire du sourcing de café vert et de cacao. Pour ma première participation, je n’étais pas à l’aise à choisir seule mon café vert, mais là c’était une évidence de choisir un café du Guatemala. J’étais contente de reparler de ce pays et de faire valoir le travail de ce producteur, ce qui est très important lors des compétitions.

Quelles sont les épreuves du Coffee in Good Spirit ?

D’abord, tu as le Spirit Bar. Tu tires au sort un alcool parmi une sélection, cette année par exemple il y avait une vodka au carvi, une eau de vie de gingembre, ou le gin 44 fait à Grasse sélectionnée par Victor Delpierre. La particularité de cette année, c’est que les spiritueux étaient tous faits en France. Tu dois utiliser au moins 1 cl de cet alcool pour en faire un cocktail, chaud ou froid, avec bien sûr du café, au choix du compétiteur.

Ensuite, tu dois réaliser deux boissons signatures, une froide et une chaude. Ma boisson froide pour faire 2 cocktails, c’était 2 espressos de 20 gr. pour 40 en sortie, 5 cl de rhum Zapaca, 3 cl de sirop de cacao maison fait à partir de cacao du Guatemala et 3 cl de confiture de cerises. Pour le chaud, j’ai réalisé un clever dripper avec mon café du Guatemala, parce qu’il me permettait de préparer des espressos en même temps. J’ai ajouté 2 bar spoon de Porto pour rappeler l’acidité tartarique de raisin que l’on retrouve aussi dans mon café, 3 cl de sirop de cannelle toujours maison en provenance du Guatemala pour donner un côté épicé, et 5 cl de scotch Glenfiddich. 

Pour la finale, on doit réaliser une dernière boisson signature, qui peut être la même que dans l’épreuve précédente, et puis enfin un Irish Coffee. J’ai décidé de reprendre mon cocktail signature froid qui était mon préféré, et c’est avec cette recette que j’ai gagné.

Qu’est-ce qui t’a attiré dans le CIGS ?

Le CIGS c’était l’occasion de pouvoir parler de mon café et j’ai profité d’une bonne expérience en mixologie pour pouvoir l’utiliser en cocktail. 

Dans les grands hôtels, on n’utilise pas forcément de café de spécialité, on fait valoir de grands spiritueux, et je pense qu’il est important de faire de même pour le café. Ce concours réunit deux univers, celui du bar et du café, et tu ne peux que faire un meilleur cocktail si tu as un bon café que tu maîtrises.

Au début, je pensais que le café était si beau, seul, et je trouvais dommage de le mélanger à de l’alcool. Mais au fond, ça permet aussi de parler encore plus de café de spécialité.

Pour faire une recette de cocktail, tu pars du café ou tu adaptes le café au cocktail que tu veux faire ?

Là, je suis partie du café, dont j’aimais les notes de fruits rouges. Après, j’ai tenté de lier le café aux autres éléments, en ajoutant un sirop de cacao fait à partir du cacao que j’ai aussi ramené du Guatemala, et de la confiture de cerise maison.

Ensuite, et pour rester dans le Guatemala, j’ai utilisé un superbe rhum Zacapa, de 23 ans d’âge, avec des notes boisées et vanillées. C’est un cocktail plutôt simple, mais la difficulté est toujours d’aller chercher l’équilibre entre les saveurs et le goût du café. C’est très important pour avoir une bonne note dans la compétition, tout comme le fait que les cocktails présentés soient reproductibles et commercialisables dans un établissement. Tu peux aller à cette compétition avec la plus belle présentation, mais si on n’a pas le goût du café ou l’équilibre des saveurs, ça ne marche pas.

Comment on s’y prend pour créer un cocktail ?

Pour faire un cocktail, il y a une règle simple, celle des 3 S : sweet, strong, sour. C’est un équilibre entre le sucre, la puissance de l’alcool et l’acidité. On parle souvent dans les cocktails de 4, 2, 1 : 4 cl d’alcool, 2 de citron et 1 de sirop de sucre. C’est vraiment basique, après tu peux jouer avec les quantités et tu as toujours des twists, comme remplacer le sirop de sucre par du miel ou du sirop d’érable.

Pour ça, tu dois savoir comment chaque produit a été fait et produit. Comme tu as des variétés dans le café, tu as des cépages pour le cognac ou différentes céréales comme le seigle ou l’orge pour les whiskies. C’est important de savoir quels produits tu utilises dans ton cocktail pour savoir avec quel café les marier. Une fois que tu maîtrises les classiques, tu peux t’amuser à faire tes créations comme ce que j’ai fait pour le Coffee in Good Spirits.

Et c’est encore mieux quand on gagne avec ses créations, pas vrai ?

C’est une immense joie à ce moment-là ! Tu n’as pas les mots, tu es fière de toi, c’est l’aboutissement de recherches et de création. C’est aussi un remerciement pour toutes les personnes que tu représentes au travers de ton café, ta présentation, tes cocktails, toutes les personnes qui ont été présentes sur mon chemin, avec qui j’ai appris, échangée et partagée. Quand on annonce mon nom, dans ma tête, j’étais heureuse, et stressée aussi. Ça met la pression de se dire que je vais faire les championnats du monde, je ne réalise pas encore vraiment. C’est une reconnaissance qui me touche et récompense mon travail, je suis heureuse de représenter la France. Et je suis déjà à la recherche d’un merveilleux café, pour pouvoir le transformer en cocktails lors des championnats du monde !