Christian, fondateur de Morgon Coffee Roasters
Christian, fondateur de Morgon Coffee Roasters

Morgon Coffee Roasters : “les producteurs sont les rock stars du café de spécialité”

Après Copenhague au Danemark, c’est en Suède que le Belco Euro Tour a continué sa route. Et, plus précisément, à Göteborg. Nous avons passé une partie de l’après-midi chez Morgon Coffee Roasters, pendant que le fondateur Christian et son équipe étaient occupés à torréfier et à mettre en sachet leurs nouveaux cafés.

Avant, bien sûr, de s’entretenir au sujet de la durabilité, du futur du café de spécialité et de ce qui compte vraiment pour Morgon. Et, pour Christian, c’est simple : le café de spécialité, au-delà du score, est avant tout une histoire humaine.

Pendant 10 jours, Le Filtre a suivi Nicolas Pourailly pour la 1ʳᵉ édition du Belco Euro Tour, à la rencontre de 10 torréfacteurs européens pour coconstruire le café de spécialité de demain. Interview éditée par Le Filtre.

Bonjour Christian, quelle est ta définition du café de spécialité ?

Le café de spécialité, c’est la qualité de la tasse. Cela dit, on pense trop facilement au seul score en tasse. C’est aussi les gens derrière ce café de spécialité, ceux qui le font, et c’est la transparence sur toute la chaîne. Voici comment je définirais le café de spécialité, surtout par les gens derrière le café, en fait.

Penses-tu que la manière dont il est produit, torréfié et vendu, est durable aujourd’hui ?

C’est une très bonne question… À mon avis, on peut faire beaucoup mieux que ce que l’on fait aujourd’hui. Mais, c’est un bon début.

Pour moi, l’industrie du café de spécialité est encore très jeune. La durabilité, c’est un tout autre sujet que de vendre du café de spécialité. 

Ce qui est sûr, c’est que ça devrait être durable, sur toute la chaîne. Et, je pense que c’est la chose la plus importante quand on parle de café de spécialité aujourd’hui.

Chez Morgon Coffee Roasters, à Göteborg

Quel est ton critère d’achat principal ?

Quand je rencontre un producteur, c’est une nouvelle relation qui commence. Nous sommes supposés travailler ensemble, et on doit être sur le même pied d’égalité.

Produire un bon café, ou avoir le potentiel pour produire un bon café, ça vient après dans la discussion. Ce qui compte le plus pour moi, c’est de développer des choses ensemble, avec les producteurs, et de grandir durablement. 

Donc, acheter du café, ça démarre toujours avec les gens. Les producteurs sont les personnes les plus importantes de la chaîne. Ils font pousser le café, ils font le travail le plus dur. Les producteurs, ce sont les rock stars du café de spécialité, et c’est pourquoi on veut les mettre en avant.

Pourrais-tu acheter un café qui n’est pas encore au top, mais qui a du potentiel ?

Et, il y a clairement un marché pour vendre ces cafés qui progressent en qualité. On a des cafés du Brésil dont le score est autour de 83, 84. La plupart de nos cafés sont cependant au-dessus, autour de 85-86, mais si on continue de travailler avec les producteurs comme on le fait, ces cafés pourraient devenir encore meilleurs dans le futur.

Oui, et je pense qu’on le fait déjà. Si le producteur et toutes les personnes qui travaillent à la ferme vont dans la bonne direction, celle de la qualité, alors j’ai envie de travailler aux eux.

Tu vends ces cafés à des clients différents ?

Non, chaque client a accès à la totalité de notre catalogue, et chaque personne a un avis différent sur le café qu’il veut boire.

Simplement, certains de nos clients préfèrent un profil en tasse plutôt qu’un autre. On a une gamme large, on veut avoir du café pour tout le monde, tant que nous les aimons aussi.

Discussion autour du torréfacteur

Que penses-tu que tes clients, B2C et B2B, recherchent quand ils achètent du café de spécialité ?

Pour être honnête, mes clients B2B connaissent peu le café de spécialité. Mais je trouve ça bien qu’il y ait de plus en plus de torréfacteurs ici, à Göteborg, parce que ça fait plus de monde pour en parler, et l’intérêt des consommateurs B2C augmente considérablement depuis 3 ou 4 ans.

Côté B2C, j’ai l’impression qu’ils comprennent leur impact en achetant du café de spécialité, surtout si on leur a montré des photos ou des vidéos de la ferme quand ils viennent dans la boutique.

Mais, en B2B comme en B2C, tout le monde cherche avant tout du bon café en achetant du café de spécialité.

Quel est, pour toi, le futur du café de spécialité ?

J’espère que le café va devenir plus qu’un produit du quotidien. On imagine encore trop souvent que le café est une ressource disponible en illimité. 

Il faudrait que les consommateurs comprennent que chaque personne qui participe à la production de café doit vivre correctement et maintenir une activité durable.

C’est pourquoi j’espère que le café de spécialité se développera en allant au-delà du score en tasse. 

Chez Morgon Coffee Roasters
Chez Morgon Coffee Roasters, à Göteborg

Pour le faire comprendre, serais-tu prêt à être transparent sur les prix, et partager ces informations avec tes clients ?

On a le “farmgate price”, ainsi que le prix FOB pour chacun de nos cafés. Mais c’est compliqué de montrer ces informations au consommateur, car ils ne savent pas toujours de quoi en parle.

Je veux dire par là que pour une personne qui ne travaille pas dans le café, comprendre toute la chaîne et comment elle fonctionne, c’est compliqué. Il y a tellement d’étapes pour qu’un café soit mis en sachet…

C’est pourquoi, même si on a ces informations pour tous nos cafés, on a décidé de ne pas les communiquer. Après, on ne cache rien non plus. Si on nous demande ces chiffres, on les montre.

C’est justement l’intérêt des rapports de transparence que l’on produit : être capable de montrer ces informations à ceux qui le souhaitent. 

Du côté de l’environnement, on trouverait aussi intéressant de partager l’empreinte carbones des cafés. Est-ce que cela serait intéressant ?

Oui. D’ailleurs, j’ai beaucoup travaillé aux débuts de Morgon pour expliquer l’impact environnemental des cafés, à travers différents éléments : la qualité, la façon de produire un café, avec un chiffre de 0 à 100, en donnant aussi le contexte de chaque producteur.

Mais c’est là encore très difficile à faire pour un torréfacteur, et encore plus de le transmettre et de le faire comprendre au client. C’est une question qui me fascine : comment communiquer cela simplement, à tous nos clients ?

Que penses-tu des labels ?

Je n’en suis pas vraiment fan. Selon mon expérience, la plupart représentent juste de l’administratif, ils ne font pas réellement changer les choses. Cela coûte cher, et pour quelle raison, au juste ?

J’ai d’ailleurs le même son de cloche quand j’en parle avec les producteurs avec lesquels je travaille. 

Chez Morgon Coffee Roasters, à Göteborg
Chez Morgon Coffee Roasters, à Göteborg

Es-tu aussi transparent avec eux qu’avec tes clients ?

J’essaie de le faire autant que possible. Quand, par exemple, je retourne en Colombie, je discute avec les producteurs du marché ici, en Suède, et du prix auquel on vend le café, avec du contexte pour mettre ces chiffres en perspective. 

Chaque année, on a de la chance d’accueillir des producteurs à Göteborg, ils comprennent ainsi le coût de la vie ici et pourquoi on vend leur café à ce prix. S’ils me demandent un certain prix pour leur acheter du café, je suis toujours content de le payer. Cependant, j’ai aussi besoin de mettre en perspective ce prix d’achat dans le contexte suédois. 

Crois-tu que tes clients aimeraient savoir que leur achat a un impact à l’origine ?

Oui. On a longtemps organisé des évènements avec nos clients pour récolter des dons et les envoyer directement dans les fermes. C’était un bon moyen d’entamer la discussion sur ce sujet.

Penses-tu qu’ils soient au courant de l’impact des changements environnementaux sur la filière café aujourd’hui ?

Non, mais on devrait leur en parler. C’est quelque chose de très important à faire savoir, pour qu’ils comprennent ce qu’il se passe et que les choses ont besoin de changer. Il faut parler, informer les consommateurs, car c’est à eux que revient le choix du café qu’ils veulent acheter. 

Et, pour cela, on a besoin de faits, même si je ne peux pas prédire ce qu’il va se passer dans les 30 prochaines années. Tout le monde doit faire sa part, tous les torréfacteurs. Car si tout le monde, à son niveau, en parle, alors le message aura plus de chance de passer.