Laurent Baysse, Champion de France de torréfaction 2021 - Crédit photos : Paul Perret @yourcoffeeshot
Laurent Baysse, Champion de France de torréfaction 2021 – Crédit photos : Paul Perret @yourcoffeeshot

Laurent Baysse, Champion de France de torréfaction 2021

Laurent Baysse de la Brûlerie du Cantin, à Lens, est le champion de France de torréfaction 2021 ! Pour l’occasion, nous avons rendu visite au torréfacteur nordiste pour recueillir ses impressions et mieux connaître son parcours, de la découverte du café de spécialité jusqu’à devenir le meilleur torréfacteur français. 

Devenir le meilleur torréfacteur de France, qu’est-ce que ça change pour toi ?

Le regard des gens change, je suis beaucoup plus sollicité et c’est aussi beaucoup de commandes ! Là par exemple, je prépare une commande pour le Maroc, c’est nouveau.

Dès le lendemain des résultats, j’étais devant mon torréfacteur, à La Brûlerie du Cantin. Chose amusante, j’ai raté la première torréfaction du matin. Ça remet vite dans le truc. On a beau être champion de France sur un weekend, aux pieds de la machine ici à la Brûlerie, c’est tous les jours qu’il faut mettre dedans.

Après, on s’intéresse à moi et mon parcours, et c’est d’ailleurs tout ce que j’ai toujours souhaité, que lorsque les gens viennent chez moi ils soient assurés que je sais de quoi je parle et qu’ils vont faire une expérience gustative.

Quel a été ton parcours jusqu’aux championnats ? 

Je suis arrivé à la Brûlerie du Cantin en 1999. Mais je ne me suis tourné vers le café de spécialité qu’en 2015. On venait de vraiment subir la crise des dosettes, la torréfaction n’était pas simple. Quand Charlotte Bellangé de Belco m’a parlé des cafés de spécialité, elle m’a poussé à suivre des formations.

Le temps que tout ça germe, après avoir refait le magasin, j’ai suivi une formation en torréfaction chez Belco, avec l’idée de participer au concours du Meilleur Ouvrier de France.

Après le premier jour de formation avec Jérémie Vergne, je me suis rendu compte de la fracture entre le torréfacteur de l’ancienne génération que j’étais et le travail que j’allais devoir fournir pour changer.

C’est ce que j’aime dans la torréfaction, il y a toujours à apprendre. J’aime la cuisson et l’analyse. J’adore les courbes, les données mais au-delà de la simple torréfaction comme on le faisait avant, le métier de torréfacteur s’est élargi avec plus de dégustation. Je me suis vite rendu compte de mes lacunes sur ce point après le championnat de torréfaction en 2019 où je termine 3ème… C’est pour cette raison que j’ai enchaîné avec le Q-Grader, pour m’améliorer pour les championnats de 2020, qui ont été reportés cette année à cause de la covid.

Qu’as-tu ressenti à l’annonce des résultats ?

D’abord, le jury a annoncé le troisième, et comme j’avais déjà terminé 3ème en 2019, j’étais déçu de ne pas avoir fait aussi bien, pensant que je ne terminerais pas parmi les trois premiers. J’ai d’abord eu le sentiment du devoir accompli, sans regret. 

Quand Alexis Gagnaire a été annoncé deuxième, là je me suis dit que c’était vraiment mort. J’avais fait le Q-Grader avec lui, je connais son niveau extraordinaire. On ne devient pas Champion de France et troisième aux Championnats du Monde d’AeroPress par hasard. Et son travail chez Kawa, sur Loring, c’est très beau.

Mais quand après ça, on annonce mon nom en premier, j’ai été submergé par l’émotion. J’ai revu tous les gens qui avaient compté pour moi depuis ma remise en question en 2015, tous ces torréfacteurs qui ont eu la gentillesse de m’accueillir pour m’entraîner et tester leur matériel.

Quels ont été les cafés utilisés pour le championnat ?

Il y a deux épreuves au championnat de torréfaction. On doit torréfier un single origin et un blend. Le single-origin était un café d’Ethiopie, un très beau Guji sans aucun défaut. Vraiment un beau café. Le blend devait être composé des trois cafés présentés, un autre Guji, un café du Costa Rica et un dernier du Kenya.

La contrainte avec le blend, c’est que tu dois utiliser les trois cafés, avec au moins 10% de chaque café. Comme je voulais quelque chose de très floral, avec de la gourmandise et pas trop d’acidité, je suis parti en mettant le minimum de Kenya et de Costa Rica. En fait, comme le single origin était déjà un Guji, j’ai voulu rester là-dessus en me disant que les juges auraient encore en tête les notes du single origin au moment de déguster le blend.

J’ai reçu les cafés pour m’entraîner une semaine avant le concours. J’ai donc eu quelques jours pour établir les profils de torréfaction pour obtenir le résultat souhaité en tasse. Plus on a l’échantillon tard, plus c’est difficile de savoir comment le torréfier mais là, c’était pareil pour tous les candidats.

Dans ta préparation, connaître le jury est-il important ?

Quand j’ai su qu’il y avait Veda Viraswami, double champion de France de torréfaction 2017 et 2018, troisième Monde en 2019, j’ai étudié ses courbes. Un plan de torréfaction, c’est beaucoup d’analyses pour savoir ce que l’on veut faire. Moi, j’ai décidé de suivre un chemin qui plairait au jury, donc connaître sa sensibilité était important. Pour aller à contre-sens, sans être en adéquation avec le jury, il faut vraiment que ce soit extraordinaire.

Quand tu arrives au championnat, tu sais donc déjà tout ce que tu vas faire ?

Oui, mais la bonne chose aussi avec le championnat de torréfaction, c’est qu’il y a une demie journée d’entraînement. Parce qu’on n’a pas toujours l’occasion de travailler sur les machines qui seront utilisées le jour J.

Ici, je travaille sur un torréfacteur Phoenix, alors que c’était une machine Diedrich pour le championnat. Heureusement, j’ai pu m’entraîner avant sur des torréfacteurs Diedrich avec Dajo Aertssen à Gand et aussi à l’Ecole du Café d’Antoine Netien, à Paris. C’est une chance ! 

Et le jour J, comment se déroule la compétition ?

Le samedi matin, on a fait l’analyse des cafés vert et puis l’entraînement a eu lieu l’après-midi. La torréfaction a eu lieu le dimanche, et ce n’est que le lundi que les juges ont pu cupper les cafés.

Pour torréfier le single origin et le blend, tu as 30 minutes à chaque fois. J’ai réussi à faire ce que je voulais dès le premier essai pour le single origin, l’analyse avait été bien faite avant. Par contre, mon premier blend n’était pas bon, j’en ai fait un second en ajustant quelques variables pour avoir un bon résultat en tasse. 

Le seul souci, c’est que j’avais un problème d’appel d’air en sondant sur ma machine, quand tu retires quelques grains de café avec la sonde pour vérifier la cuisson. C’est une chose que j’avais vu pendant le training, donc je n’ai pu vérifier mon travail qu’en me fiant à Cropster et au hublot de la machine pendant la compétition.

Quelle place a la machine pendant le championnat ? 

C’est très orienté sur les profils de courbe, alors connaître le torréfacteur sur lequel tu vas torréfier est un plus pour suivre le plan de torréfaction que tu veux pendant la compétition. Tu dois donner aux juges tes données d’entrées, de sortie, de turning point, de premier crack ou encore d’air-flow. C’est la partie vraiment technique et donc tu dois bien maîtriser la machine, tout comme le logiciel Cropster qui est obligatoire pendant ce concours.

Tu sais déjà sur quelle machine vont se dérouler les championnats du Monde, qui auront lieu en Pologne ?

Oui, ce sera une Giesen 6. Je vais m’entraîner à Paris avec une amie qui a une torréfaction collaborative, Maria de The Beans On Fire. Elle a ce torréfacteur. C’est d’ailleurs encore une personne rencontrée pendant que je faisais le Q-Grader.

Si tu ne devais retenir qu’une chose du championnat français en vue des mondiaux ?

Juste après la victoire, Alexis m’a tout de suite proposé de m’accompagner aux Championnats du Monde. Je trouve ça top, pour moi qui aime mettre en valeur la région dans laquelle se trouve la Brûlerie, de mettre maintenant en avant mon pays avec une Équipe de France de torréfaction !