Maxence, fondateur de Javry Coffee, à Bruxelles
Maxence, fondateur de Javry Coffee, à Bruxelles

À la rencontre de Javry Coffee, à Bruxelles

Le Belco Euro Tour #1 a commencé à Bruxelles, chez Javry Coffee. Je suis allé à la rencontre de leur équipe, avant de m’entretenir plus longuement avec Maxence, fondateur de la torréfaction spécialisée dans le B2B. Le but ? Connaître leur vision du café de spécialité d’aujourd’hui et de demain.

Fondé en 2015, Javry Coffee développe sa marque avec la même ligne de conduite depuis ses débuts : un café de qualité, éthique et écoresponsable.

Pendant 10 jours, Le Filtre a suivi Nicolas Pourailly pour la 1ʳᵉ édition du Belco Euro Tour, à la rencontre de 10 torréfacteurs européens pour coconstruire le café de spécialité de demain. Interview éditée par Le Filtre.

Bonjour Maxence. Quelle est ta définition du café de spécialité ?

C’est du bon café avant tout, un café bon à boire, à la maison, au bureau ou ailleurs.

Ça doit être un café sourcé de manière responsable, pour permettre aux caféiculteurs non seulement de vivre, mais de pérenniser leur activité. C’est important à mes yeux que le café de qualité et éthique soit aussi un café qui ne pollue pas, tant au niveau de sa production qu’au niveau de l’importation et de la consommation.

Penses-tu que c’est le cas aujourd’hui ?

De ce que je ressens, j’ai le sentiment que c’est très orienté sur la qualité et que les aspects éthiques et écoresponsables sont un peu présents, mais pas autant qu’il le faudrait.

Quels sont tes principaux critères d’achat ?

Le 1ᵉʳ critère, en toute transparence, ça reste le prix. Mais c’est un prix qui est toujours lié à une qualité et à un projet. Le projet qui va être du coup éthique et écoresponsable. On ne va jamais acheter du café si on ne croit pas au projet lié à ce café spécifiquement.

Quelles sont les informations essentielles à transmettre au travers des paquets de cafés ?

On va avoir des informations comme le nom de la coopérative ou du caféiculteur, une note de dégustation pour décrire le goût qui se cache derrière ce café, ou encore l’altitude de la plantation. On a aussi l’information du bio : est-ce que le café est bio ou non, certifié ou pas. Et on a encore d’autres informations spécifiques qui varient, par exemple, si la production est en agroforesterie, si c’est un café importé à la voile.

Pourquoi est-ce important de communiquer ces critères ?

Le packaging est le 1ᵉʳ point de contact entre le consommateur et le produit. Je pense que le packaging doit véhiculer une émotion et des informations. On se concentre sur les aspects qui permettent de montrer au client qu’il y a de la transparence sur la chaîne.

On a aussi le site internet et des fiches produits qui accompagnent le paquet pour ceux qui veulent aller plus loin. Il faut être très transparent avec ce que viennent chercher les gens. Si des employés font attention à ce qu’ils consomment à titre personnel, ils ne vont pas fermer les yeux en arrivant au bureau.

As-tu en tête les enjeux sociétaux et environnementaux d’un producteur de café aujourd’hui ?

Je ne me suis jamais rendu à l’origine, ce qui est une envie très forte. Donc, c’est difficile d’être catégorique.

Mais j’ai des bribes d’informations qui me viennent de Belco ou des discussions qu’on a en direct avec les caféiculteurs. Ce que j’ai compris, c’est qu’ils ont des besoins primaires qui ne sont pas comblés. C’est le 1ᵉʳ challenge auquel ils font face. Sans des prix d’achat corrects par rapport à leurs besoins, ils n’arriveront pas à les combler. 

Pour toi, c’est quoi le café de spécialité de demain ?

La définition d’un bon café demain, c’est la définition d’un bon café aujourd’hui. Un bon café en tasse, pour lequel on va avoir des certitudes : des caféiculteurs qui vivent de leur production, qui pérennisent leur activité avec moins d’intrants chimiques, en mitigeant les effets du changement climatique à l’échelle locale.

Que fais-tu aujourd’hui pour aller dans cette direction ?

Les clients ne viennent pas toujours chez nous pour les aspects éthiques et écoresponsables, ils viennent chercher un bon café et une bonne machine. Donc, on doit utiliser la machine et ce besoin de café de qualité pour pousser ces aspects-là.

On livre un maximum de clients en vrac depuis la torréfaction et avec des fûts réutilisables. On utilise un minimum de cartons en interne pour les transports, on a aussi un packaging à base de matériaux bio.

De quelles données aurais-tu besoin demain pour t’assurer qu’un café réponde aux problématiques sociales et environnementales des producteurs ?

Le prix à la source, le coût de production, ce que le producteur dégage comme marge, puis qui prend quoi sur la chaîne en espérant que cette chaîne soit la plus courte possible.

Puis, il y a toutes les données locales : savoir si le caféiculteur est en agroforesterie, savoir combien de caféiculteurs dans la coopérative ont été formés, combien de ph mètres ont été distribués pour améliorer la qualité… Tout ça serait parfait de l’avoir pour chaque café.

Souhaites-tu être aussi transparent avec les consommateurs et les producteurs ?

Je trouverai ça super logique. Je me fiche que les gens sachent qu’on gagne 30 % de marge. Il faut juste donner le contexte, l’expliquer et ça ne peut que bien se passer. Si on demande de la transparence, il faut être transparent soi-même et donner de la transparence à toute la chaîne.

On parlait de transparence sur le côté social, j’aimerais que l’on regarde les enjeux environnementaux. Un indicateur d’impact environnemental qui valoriserait les bonnes pratiques à la ferme serait-il intéressant ?

D’office. C’est pour ça qu’on s’est dirigés vers des cafés bios. Les intrants, on sait que c’est une grosse partie des émissions. Savoir combien d’intrants ont été utilisés, à quel point ces intrants ont généré des émissions de CO₂, savoir si le transport s’est amélioré par rapport à l’année précédente… ce genre d’infos est intéressant au niveau de chaque café autant qu’au niveau global pour nous comme pour Belco.

Pourquoi aussi au niveau global ? Tu aimerais avoir des statistiques global Belco c’est ça?

Si on décide de faire 2 ou 3 cafés parfaits et que ça ne correspond qu’à 2 ou 3 % des ventes de Belco, ça manque de sens. Tous les acteurs doivent aller dans la même direction. Si on décide de bosser ensemble, on n’est pas une exception à la règle.

Connaître l’impact carbone de vos cafés serait-il une valeur ajoutée ?

Oui, parce que c’est scientifique et que c’est non discutable. Tout ce qui n’est pas scientifiquement vérifiable me pose un problème. C’est pourquoi j’ai moins de problèmes avec le label bio plutôt qu’un label équitable, sans citer de nom. On ne peut pas analyser le produit final pour en sortir un degré “d’équitabilité” alors que pour le bio, il y a des caractéristiques fixes.

C’est pour ça que chez Javry, on ne travaille pas avec des labels autres que le label bio. On préfère prôner la transparence, et permettre à ceux qui souhaitent des informations précises de leur donner ces informations.

Que penses-tu des labels ?

L’indépendance du label est ultra-nécessaire. Les labels peuvent aujourd’hui empêcher des ventes. Quand un label est créé, tout est toujours très joli, mais à partir du moment où de grands acteurs, qui de façon indéniable ne font pas quelque chose de positif, sont labellisés… Cela décrédibilise ceux qui ont choisi d’apposer ce label. 

Si, en achetant tel café, tu sais que tu participes à améliorer la situation à l’origine au travers de projets, comme de l’agroforesterie. Arriverais-tu à engager tes clients avec cette vision ?

Je suis partisan du prix juste, dire que le prix auquel on achète le café est juste permet d’agir de manière concrète, sans avoir besoin de compléter par d’autres projets. Beaucoup d’importateurs proposent ce genre de chose, j’ai toujours l’impression que c’est une manière de se dédouaner de faire quelque chose de mal à côté. 

C’est plus un choix de communication : on vend des cafés à un prix qui permet à la chaîne de vivre dignement, ça ne nécessite pas d’investir de manière supplémentaire sur le côté.

Trouverais-tu utile d’avoir une infographie ou une carte indiquant chaque acteur de la filière du café que tu achètes ?

D’office ! Ça participe à l’explication du contexte local, à la raison pour laquelle ce café-là coûte plus cher, s’il y a, par exemple, un acteur de plus sur la chaîne. C’est pour moi une vraie plus-value.

Tu attends aussi la répartition des coûts ?

Oui, il faut y aller step by step. La marge et les prix d’achat et de vente de chacun, c’est un but. Si aujourd’hui on n’a pas encore tous les acteurs, on parlera des prix d’achat et de vente après.

Tout à l’heure, tu parlais du transport à la voile. J’imagine que tu veux savoir si ton café vient à la voile ?

C’est la 3ᵉ année qu’on achète votre café importé à la voile. Cette année, on a importé 20 ou 30 sacs de ce café à la voile, l’année prochaine, c’est 60. Je veux juste que chaque année, on accélère cette transition.

On suit de manière très proche la construction du nouveau voilier, c’est un vrai enjeu surtout dans le contexte actuel. Quand les prix du transport ont augmenté avec la fermeture du canal de Suez, le transport à la voile est presque devenu compétitif. 

L’idée de voir un voilier cargo avec une capacité de portage plus importante que ce qu’on a utilisé jusqu’ici, qui va faire baisser les prix, j’y crois vraiment beaucoup. Je pense que là, ce n’est pas un effort de torréfacteur dont on a besoin. C’est un effort de torréfacteurs et d’importateurs au pluriel, pour unir les forces.

Tes clients ont-ils conscience des enjeux sociaux et environnementaux qui entourent le café ?

Non. Sinon, on serait capable de vendre le café plus cher et de mieux rémunérer le caféiculteur. J’ai encore tendance à mettre la pression sur les prix d’achat. Il faut la meilleure qualité possible, avec le meilleur prix et les meilleures qualités pour que le café de spécialité soit un vrai changement, pas juste une niche.

Comment intéresser ces personnes qui ne connaissent pas ces enjeux ?

Je n’ai pas de recette magique, c’est ensemble que l’on trouvera les solutions. Quand on va installer une machine, c’est l’occasion de faire de l’éducation. Chaque moment de communication doit être propice à le faire.