Clémentine Labussière, pendant le Championnat de France Cup Tasters 2021 - Crédit photo : Lansy Siessie, @limagerie
Clémentine Labussière, pendant le Championnat de France Cup Tasters 2021 – Crédit photo : Lansy Siessie, @limagerie

Clémentine Labussière, Championne de France Cup Tasters 2021

En s’imposant lors du championnat de France Cup Tasters 2021, qui consiste à retrouver un maximum de tasses différentes parmi 8 groupes de 3 tasses, en un minimum de temps, au Sirha Lyon le 27 Septembre, Clémentine Labussière est devenue la Championne de France Cup Tasters 2021 !

Son résultat ? 5 tasses trouvées en moins de 6 minutes et cinquante secondes. L’occasion de faire sa connaissance et d’échanger autour de son parcours et de sa passion pour le goût du café, qui l’amène aujourd’hui à représenter la France aux Championnats du Monde de Café à Milan, du 22 au 26 octobre.

Comment as-tu débuté dans le café ?

C’était il y a sept ans, dans une pâtisserie et j’étais plutôt là pour les gâteaux. Comme Lomi était notre fournisseur, je suis allée faire une formation chez eux. Moi qui aime le goût, j’étais curieuse. Le premier cupping avec Paul Arnéphy a été un gros choc. J’ai fait un cours de latte art et un cours d’extraction, et je n’ai plus voulu faire que ça.

J’ai ensuite travaillé chez Malongo pendant un an, chez Loustic et puis chez Fragment où je voulais continuer d’apprendre sur le café et surtout me faire un peu plus de sous pour partir faire un PVT au Canada. J’y suis partie un an et demi, en bossant pour Revolver qui travaille avec de nombreux cafés de supers torréfacteurs à la carte.

Ensuite je suis partie quatre mois en Colombie pour vivre mon rêve de voir les plantations de café, dont La Palma y El Tucan. Goûter toutes les différences de terroirs et me rendre compte qu’un même pays peut avoir tant de goûts différents m’a donné envie de travailler plus près du café vert. Après la Colombie, j’ai travaillé un an et demi à Berlin chez Röststätte et puis chez Coffee Circle avant d’arriver à Dublin où je suis maintenant, chez The Morning.

Toi qui a été bluffée par le goût que peut avoir un café, qu’est-ce que celui-ci représente pour toi aujourd’hui ?

Je suis passionnée par le goût en général, et pas seulement celui du café. J’adore goûter des alcools différents, des bières, des vins, des thés. J’adore les différentes textures de la nourriture et depuis toujours j’adore la cuisine et la pâtisserie.

Pour beaucoup de gens, le goût du café est celui du café. Moi j’ai trouvé fascinant de voir qu’il y avait plusieurs goûts, que chaque café avait sa spécificité, son histoire. Tu voyages à travers les tasses et ça me transporte.

Je me rappelle forcément l’odeur du café chez ma grand-mère, qui me servait un petit fond dans un verre, ou alors chez mes parents qui boivent aussi énormément de café. Mais globalement, il y a tellement de choses dans une tasse que parfois, je trouve des goûts que je n’ai jamais goûté, des goûts de fruits incroyables, c’est génial.

Qu’est-ce qui te plaît d’autre dans le café ?

C’est quelque chose de très réconfortant. En plus de la boisson, c’est aussi le côté social que j’adore, notamment avec la communauté café qui est assez exceptionnelle, avec beaucoup d’entraide et de partage.

Après, le café m’apporte aussi beaucoup d’émotions. Quand je voyage je vais toujours acheter des cafés, découvrir de nouveaux torréfacteurs, de nouveaux process.

Comment viens-tu à la compétition, et surtout à la compétition Cup Tasters ?

J’ai toujours beaucoup admiré mes collègues qui ont fait pas mal de championnats, ou alors des personnes comme Dajo Aertssen. Je suis assez réservée mais j’aime le fait de me challenger, de me dépasser et aussi progresser. On s’entraîne tellement que le palais s’améliore forcément. 

J’avais fait le concours AeroPress il y a quelques années mais je ne m’étais jamais inscrite à d’autres compétitions, et le championnat de Cup Tasters m’intéressait forcément, comme j’aime le goût. J’adore aussi regarder les compétitions de préparation, mais je suis trop dans l’instant quand je prépare un café et je n’ai pas beaucoup envie de parler !

Tu as été en contact avec d’autres compétiteurs ?

Oui, je viens par exemple d’avoir Dajo au téléphone et on s’est souvenu en rigolant d’un message que je lui avais envoyé en 2019. Je lui disais avoir envie de faire cette compétition et je voulais savoir comment m’entraîner. Il m’avait simplement répondu de m’entraîner à la triangulation et de bien lire les règles. Peut-être que s’il ne m’avait pas répondu, ça ne m’aurait pas aussi boosté. À la base, c’était censé être en mars 2020, mais la compétition ne s’est passée que cette semaine à cause de la covid. 

Attendre autant de temps entre tes débuts de préparation et aujourd’hui n’a pas été trop frustrant ?

Si, mais avec le recul je me dis que je suis beaucoup plus posée et assurée aujourd’hui. J’étais très entraînée au niveau du goût, mais moins au niveau du stress. Si le concours avait bien eu lieu en 2020, je ne sais pas comment j’aurais géré tout ça.

Justement, comment on s’entraîne pour la compétition Cup Tasters ?

J’ai fait beaucoup de triangulation, dans les conditions du championnat avec différents cafés, différentes doses, du café de commodité et du café de spécialité, différentes températures. Je me suis aussi entraînée à l’aveugle, mais principalement la triangulation a été l’entraînement le plus important.

C’est pour cela que tu vois parfois des gens très doués en préparation ou en torréfaction mais qui ne font pas forcément un bon score au Cup Tasters parce que c’est assez spécial de devoir goûter aussi rapidement. Ces gens-là vont peut-être avoir tendance à trop analyser ce qu’il y a dans la tasse, mais là il faut se concentrer sur autre chose pour aller le plus vite possible.

Peux-tu nous donner les règles de ce concours ?

Oui, il faut trouver la tasse différente parmi trois tasses, ce que l’on appelle un triangle. Et tu as 8 triangles. Pour gagner, tu dois en trouver un maximum le plus rapidement possible, avec un maximum de 8 minutes.

Parmi les trois tasses, deux sont donc pareilles, l’autre est différente. Pour la trouver, je me concentre d’abord sur l’acidité. Est-ce que je retrouve la même dans la deuxième tasse ? Dans la troisième ? Ce n’est pas utile de se fier à la température, car une même tasse peut avoir une température différente. Après, c’est aussi des sensations, ça peut être l’astringence, le corps, l’amertume… Je peux m’attarder sur tous les éléments pour être sûre mais d’abord, je me concentre sur l’acidité.

Est-ce que tu t’es déjà retrouvée face à une tasse que tu aimerais boire jusqu’au bout ?

Non, pour être honnête on n’a pas eu beaucoup de café que j’ai aimé, peut-être 2 tasses mais pas là ! On en boit aussi tellement qu’on a pas envie de boire toute une tasse. Peut-être qu’aux championnats du Monde il y aura des choses incroyables, mais je n’ai pas encore eu ce plaisir.

Ce n’est pas trop stressant d’être à côté des autres compétiteurs ?

Là où je stresse vraiment, c’est quand j’ai terminé et que j’attends, et puis quand on soulève les tasses pour vérifier si on a trouvé la bonne. Mais pendant que je cuppe je ne fais pas trop attention à ce qui se passe à côté. Je suis concentrée sur mes triangles.

Par contre quand on soulève les tasses, là j’ai presque envie de mourir surtout qu’il y avait du très haut niveau chez les autres compétiteurs.

L’avantage, c’est que le résultat est immédiat mais sur le 1er round, tu dois attendre que les 30 compétiteurs soient passés pour savoir si tu es qualifié pour le tour suivant. Cette attente est assez stressante, surtout qu’il y a eu des scores incroyables au 1er round.

Comment as-tu vécu ta victoire ?

C’était incroyable pour moi, c’était ma première compétition officielle. Je ne peux pas dire que c’était du bonus parce que j’avais vraiment envie de gagner, et à chaque round c’était l’euphorie mais je devais rester concentrée.

Après le 1er tour, j’avais envie de gagner. Quand j’ai soulevé la dernière tasse, je savais que si elle était bonne j’étais championne. Si j’avais faux, j’étais deuxième et c’était déjà un truc de malade. Je me disais que deuxième c’était quand même super, mais quand j’ai soulevé la tasse et que j’ai su que c’était bon, c’était fou. Tout le monde me prenait en photo mais je n’ai pas réalisé tout de suite. Ce n’est que quand j’ai entendu “Et Clémentine va nous représenter aux Championnats du Monde” que j’ai réalisé. J’avais oublié ce détail !

Comment tu comptes te préparer pour les championnats du Monde ?

Je vais travailler encore plus, parce que je m’étais beaucoup préparée en 2020, mais moins pour celui-ci. Pendant 3 semaines, je vais m’entraîner à faire encore plus de triangulations, en testant encore plus d’éléments, comme le dosage du café. Il n’y a que ça si je veux être prête pour les mondiaux à Milan dans 3 semaines.

Est-ce que ta participation à la compétition a changé ta façon d’aborder le goût ?

Oui, quand je goûte quelque chose j’essaie d’être plus dans l’instant et de réfléchir à ce que je goûte. Au quotidien, je suis assez concentrée, je prends toujours le temps de réfléchir à ce que je mange et je prends le temps de déguster. Si je mange une framboise, je vais chercher à retenir son goût pour alimenter ma palette.

Si tu goûtes beaucoup de choses, tu enregistres tout dans ton cerveau et tu retrouves toujours quelque chose qui va t’aider dans le café, même si c’est des bonbons. Le fait de goûter une multitude de choses aide énormément.

Mais au quotidien, pour l’instant rien n’a changé. Quand je suis retournée au boulot, j’étais très heureuse et fière. Tout le monde m’a félicité mais après la journée a continué comme d’habitude !